PROPOSITION DE LOI
Présentée par
Mme Laure LAVALETTE
Députée
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi répond aux tristes échos, parfois médiatiques mais bien souvent silencieux, de dérives au sein des établissements sociaux et médicaux sociaux, notamment dans les Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) et de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).
En 2018, le documentaire « Maison de retraite : derrière la façade » a fait état de dérives alarmantes dans des EHPAD privés : mauvaises conditions d’hébergement, mauvaises prises en charge du patient, voire même cas de maltraitance. Ces dérives ont été confirmées et sont réapparues dans les médias à la suite de la parution du livre « Les Fossoyeurs » de Victor Castanet.
Depuis ces remous médiatiques, force est de constater que rien n’a changé. Ces faits, parce qu’ils ne sont plus isolés, doivent faire l’objet d’une prise de conscience collective et émerger à nouveau dans le débat parlementaire.
Plus récemment, ce sont les établissements de l’ASE qui ont fait l’objet d’enquêtes et dont les résultats sont plus qu’inquiétants. Les faits présentés font froid dans le dos : l’étude, bien trop légère, par une association du dossier d’une (fausse) famille d’accueil sans vérification de l’identité ou du casier judiciaire ; la détresse des enfants logés dans les « hôtels sociaux » ; la présence de drogue et de points de deal dans les foyers de l’enfance ou encore la facilité avec laquelle des jeunes filles placées dans ces foyers deviennent les proies de proxénètes.
Ces établissements, EHPAD ou établissements de l’ASE, prennent en charge des personnes bien souvent vulnérables, du fait de leur âge, de leur santé, de leur état psychologique ou de leur situation familiale. Les missions confiées à ces établissements sont donc nécessairement tournées vers la personne humaine.
Pour les EHPAD, maintenir et améliorer l’autonomie, lutter contre l’isolement, veiller à la sécurité, accompagner quotidiennement le résident sur la base d’une évaluation et une réadaptation du projet mis en place à l’entrée en EHPAD sont des missions qui, toujours, touchent à la dignité humaine.
Pour les établissements de l’ASE, apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux enfants, comme à leurs familles, faciliter l’insertion, mener des actions de protection et de prévention en faveur des mineurs, veiller à la stabilité du parcours de l’enfant confié et à l’adaptation de son statut sur le long terme sont là encore des missions qui, toujours, touchent à la dignité humaine.
Ces missions, nous le savons, nécessitent des personnels formés qui exercent ces professions par vocation. L’altruisme et l’empathie dont ils font preuve, dans un contexte de travail épuisant et très souvent mal rémunéré, impose le plus grand respect. Les dérives que nous évoquions plus haut sont notamment le fait d’un recrutement de mauvaise qualité ou d’équipes en sous‑effectif, au détriment de toutes ces personnes qui exercent quotidiennement leur travail avec passion.
Cette situation ne semble pas prête de s’améliorer. Alors que nous attendons toujours une loi « Grand âge » sur le bien vieillir à domicile et en établissement, le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 acte que les EHPAD bénéficieront de 3 000 aides‑soignants et infirmiers sur l’année. Nous sommes loin des 20 000 recrutements demandés par les directeurs d’EHPAD. Les établissements de la protection de l’enfance ne sont pas en reste et souffrent tout autant de la pénurie de personnel. La Convention nationale des associations de la protection de l’enfance (CNAPE) rappelle que la maltraitance institutionnelle peut trouver son origine dans une « organisation conduisant à des situations de sous‑effectif ou de sous‑qualification récurrentes ou pérennes ».
L’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) dispose que la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. C’est dans ce cadre avec un droit de visite dans les EHPAD et les établissements de l’ASE que les parlementaires pourraient demander des comptes à tout moment et signaler des manquements à la dignité humaine ou aux droits de la personne.
Aujourd’hui, les signalements de la part des résidents, d’enfants ou d’anciens enfants placés, de familles ou de personnels, nous obligent.
La loi n° 2000‑516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes a permis aux parlementaires de bénéficier d’un droit de visite dans les lieux de privatisation de liberté. En 2009, les parlementaires européens élus en France ont bénéficié du même droit. En 2013, cette même possibilité a été étendue aux établissements de santé assurant des soins psychiatriques. Enfin, en 2015, ce droit de visite a été élargi aux centres éducatifs fermés et permet la présence de journalistes aux côtés des parlementaires.
Ainsi, la présente proposition de loi vise à étendre les lieux concernés par le droit de visite permanent et sans préavis, des parlementaires et parlementaires européens élus en France, aux établissements sociaux, médico‑sociaux, établissements gérés par l’Aide sociale à l’enfance, lieux de vie et d’accueil.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le chapitre II du titre Ier du livre III du code de l’action sociale et des familles est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Droit de visite
« Art. L. 312‑11. – Les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés à visiter à tout moment et sans préavis les établissements mentionnés aux 1° à 17° de l’article L. 312‑1.
« Les députés, les sénateurs et les représentants au Parlement européen mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L. 7111‑6 du code du travail, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »