Modifier le calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères 

PROPOSITION DE LOI

Présentée par

M. Sébastien CHENU

Député

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Élément déclencheur de la Révolution française, le consentement à l’impôt est depuis l’un des piliers de notre démocratie, consacré par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen. Il existe plusieurs types d’impositions qu’il faut distinguer. L’impôt est prélevé sans contrepartie directe et est déterminé par les facultés contributives du contribuable. La taxe au contraire est assise sur le service rendu à l’usager.

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) est nécessaire pour financer les services locaux de collecte et de traitement des déchets. Toute propriété soumise à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) peut aussi l’être à la TEOM.

La TEOM est régie par l’article 1522 du code général des impôts qui détermine les modalités de son calcul à partir de la valeur locative cadastrale, et non en fonction du volume des ordures collectées. Son assiette est donc sans lien direct avec le service rendu à l’usager. Ce calcul apparaît comme injuste, notamment pour les personnes seules habitant dans un grand logement, qui produisent donc moins de déchets.

Le calcul de la valeur locative cadastrale n’a fait l’objet d’aucune révision depuis 1970. De ce fait, cette valeur est bien souvent éloignée de la réalité immobilière actuelle.

Malgré quelques réévaluations, la TEOM taxe arbitrairement, sans tenir compte de leurs facultés contributives.

La TEOM est, par ailleurs, en augmentation, en raison des surcoûts liés à l’adaptation de la collecte au contexte sanitaire, et, notamment, de la hausse importante depuis le 1er janvier 2021, de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dont les collectivités locales s’acquittent pour les déchets finissant dans un incinérateur ou qui sont stockés. Mais son augmentation est aussi justifiée par le manque de ressources fiscales.

Alors que la décentralisation a transféré de plus en plus de compétences aux collectivités territoriales, leurs ressources n’ont cessé d’être asséchées, avec une compensation de l’État constamment insuffisante, les conduisant à devoir utiliser les seuls leviers de fiscalité restants à leur disposition. Elles n’ont alors d’autres choix que de s’appuyer sur la fiscalité directe dont elles ont encore la maîtrise, notamment la taxe foncière et la TEOM.

Ainsi, en 2022, l’évolution moyenne du taux plein de la TEOM s’élève à +2,5 % par rapport à 2020 dans les communes de 40 000 à 100 000 habitants. Le produit de la TEOM est en constante augmentation. En 2020, il s’élevait à 7,1 milliards d’euros, en hausse de 1,8 % par rapport à l’année précédente, et de +2,3 % entre 2020 et 2021. La TEOM est en effet calculée en partie grâce aux valeurs locatives, que l’inflation n’a pas épargnées.

À titre d’exemple, un an après son institution, la TEOM frappe lourdement les habitants de la communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut dans le Nord, avec un taux fixé à 15,62 %. De ce fait, ces mêmes habitants qui ne payaient pas la taxe doivent s’acquitter d’une somme qui impacte lourdement leur pouvoir d’achat, déjà mis à mal avec l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières.

Nos pouvoirs publics locaux se retrouvent dépossédés de leurs moyens d’actions propres et doivent se contenter de concours financiers, dont l’État à la maîtrise quasi‑totale et qui se révèlent bien insuffisants. De plus, sous le prétexte de nécessaires économies budgétaires, l’État n’a cessé de réduire les dotations globales de fonctionnement. Emmanuel Macron et François Hollande ont procédé à la création de la « contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques » avec un objectif de 49 milliards d’euros de baisse de dotations.

Une refonte de la fiscalité des collectivités territoriales apparaît comme nécessaire. En effet, les impôts locaux propres aux collectivités disparaissent progressivement suite à des décisions gouvernementales censées, en apparence, donner plus de pouvoir d’achat aux Français. Par exemple, la contribution économique territoriale (ancienne taxe professionnelle) fut baissée de moitié par la loi de finances de 2021, alors qu’elle avait déjà été réduite précédemment avec la suppression de la part salariale. Mais la réalité est tout autre ! Face à une perte de ressources et sa non‑compensation totale, les collectivités sont contraintes d’ajuster les taxes et impôts locaux pour compenser ce manque. Ainsi, la suppression de la taxe d’habitation a vu à l’inverse l’explosion de la taxe foncière (la taxe foncière a bondi de 31,4 % en 10 ans et c’est + 900 % à Guéret en 2021 !).

Ces suppressions ou réductions des ressources propres des collectivités territoriales portent un coup dur au principe de libre administration de ces dernières, qui se retrouvent financièrement dépendantes de l’État. Aussi, on considère que désormais près de 33 milliards d’euros de TVA sont versés aux collectivités territoriales en compensation de la réforme de la fiscalité locale. Mais le compte n’y est pas.

Au regard de ces éléments, il apparaît nécessaire de modifier le calcul de la TEOM qui pèse trop lourdement sur le pouvoir d’achat des citoyens et d’inviter le Gouvernement à une refonte de la fiscalité locale afin de rétablir véritablement le principe de libre administration.

L’article 1er pose donc le principe d’une TEOM composée d’une part fixe et d’une part variable reposant sur le nombre de personnes qui composent le foyer, et introduit un abattement pour les personnes en situation de handicap ou de plus de soixante‑dix ans.

Pour interpeller le Gouvernement et l’inciter à une véritable refonte de la fiscalité locale, l’article 2 fixe la remise d’un rapport sur l’application effective du principe de libre administration des collectivités territoriales et de leur fiscalité.

Enfin, l’article 3 compense les pertes de recettes.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 1522 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette taxe est composée d’une part fixe prévue aux articles 1521, 1522 et 1636 B undecies et d’une part variable, assise sur le nombre de personnes composant le foyer. » ;

2° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La part variable correspondant à la composition du foyer est déterminée en multipliant le nombre de parts composant le foyer par un tarif fixé chaque année par délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A, de manière à ce que son produit soit compris entre 10 % et 30 % du produit total de la taxe. »

3° Est ajouté un IV ainsi rédigé :

« IV. – Les personnes en situation de handicap ou âgées de plus de soixante‑dix ans bénéficient d’un abattement d’un quart sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères dont ils sont redevables. »

Article 2

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la fiscalité des collectivités territoriales et l’effectivité du principe constitutionnel de libre administration de ces dernières.

Article 3

La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Modifier le calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, on vous donne la parole !

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